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Groupe de travail Révolution

Alternatives sociotechniques dans une perspective de transformation radicale

Présentation

Comment la révolution technique nécessaire pour changer la société à l’intérieur des limites planétaires et ainsi sauvegarder la planète conduit et oblige à repenser l’organisation sociale (lois, normes institutions) et l’organisme social c’est à dire la forme structurelle du fait social humain (comment les gens expriment leurs besoins, affects, se lient, se délient, se mettent en mouvement… l’habitus au sens bourdieusien, la configuration au sens éliasien.

Informations

Positionnement

Réfléchir aujourd’hui sur l’articulation des alternatives sociotechniques et les transformations radicales des mondes sociaux et politiques suppose de penser les projets ainsi que les obstacles et les leviers nous empêchant ou nous permettant de les réaliser. Analyser les écueils des révolutions ratées, comprendre les leviers ayant permis les grandes transformations passées, et identifier les obstacles contemporains sont tout aussi précieux et indispensables.

Souvent le désir de transformations radicales conduit à vouloir agir sans considérer que la pensée commune est déjà, dans un monde sérialisé et fragmenté, un acte révolutionnaire.

Cette pensée commune doit pouvoir porter :

Les révolutionnaires tentent des gestes et s’ils ne sont pas efficients en cherchent d’autres. Aucun script ne fait une révolution, mais sans script, il n’y pas de dynamique stratégique et de choses à réfléchir et réviser. C’est une pensée par réajustements successifs qui fait la dynamique révolutionnaire, pas des rébellions parcellaires qui conduisent plutôt à des répressions, elles très bien organisées.

Toute stratégie suppose un ordre des raisons : ne pas respecter l’ordre et le tuilage des phénomènes de désagrégation et de fusion des groupes sociaux, conduit à un faible effet boule de neige ainsi qu’à une faible politisation. Cela risque d’aboutir in fine à peu de concrétisation en termes d’actions politiques.

Par ailleurs, l’articulation entre des réflexions collectives agrégées (communs) et des actions désagrégées, voire individuelles permet de donner corps à cette politisation en permettant de dire et se dire que certains gestes anodins sont déjà des gestes révolutionnaires.

Aujourd’hui la confiance avec le pouvoir est en partie rompue, mais les sociétés sont bel et bien déboussolées et ne savent pas à quels saints se vouer.

Un ordre des raisons classique a été mis au jour dans l’analyse de nombreuses révolutions : construction d’une formation idéologique c’est à dire un espace mental du désirable et du détestable, du faisable et de l’impossible le plus commun possible, en repoussant les limites de l’impossible. Il s’agit donc de faire jouer le pouvoir imaginatif, utopique etc. Sur cette base, des formations sociales se constituent fortes de cette idéologie commune. Elles deviennent solidaires et conscientes de ce partage. C’est le moment de vérité des alliances effectives dans le social : entre classes, entre mondes différenciés du travail, entre jeunes et vieux entre hommes et femmes… Enfin vient le temps du politique sous différentes formes. Ne rien négliger : local, global, institutions et rapports de forces construits. Les révolutions réussies ont toujours articulé de vieux outils et de nouveaux outils ; l’insurrection soutient un processus mais ne peut être le seul processus.

Pour nous aujourd’hui

Il ne peut y avoir de phénomènes insurrectionnels productifs que si le rapport de force est construit en faveur des insurgés, sinon cela débouche sur une répression et une débandade psychique et physique.

Il est nécessaire de réintroduire la question des temporalités d’une manière claire. Souvent le fait révolutionnaire est vu comme moment d’accélération maitrisé ou non.

Walter Benjamin a mené une critique marxiste du temps homogène et vide adressée autant aux marxistes eux-mêmes qu’aux autres. Si les acteurs de l’histoire sont des sujets pensant, alors le temps fourmille d’embranchements, loin de tout déterminisme historique, loin des grandes scansions programmées et d’une conception destinale de l’histoire. Le temps est la fabrique du sujet dans l’incertitude et la perception vécue des rythmes, des accélérations, du kaïros (bon moment qui ne se présente qu’une fois) à ne pas manquer quand il s’agit de déclencher une insurrection. On pourrait croire que ce ne sont là que sophistications épistémologiques de l’histoire pour personnes raffinées aimant les conversations qui se déploient dans de beaux jardins du savoir. Et en fait non, il s’agit de ce qui manque aujourd’hui à ceux qui prétendent faire de la politique radicale, une conscience du temps, donc de la stratégie et de la tactique, une conscience vécue de ce qui vient, de ce qu’il faut tenter, une conscience de ce qui se révèlerait comme trop tardif, comme coup manqué ou trop hâtif. Il faut déjouer l’idée d’un événement révolutionnaire comme « phénomène purement naturel, commandé par des lois physiques » selon l’expression de Marx lui même. Une « crise révolutionnaire » ce sont des battements, des pulsations, des rythmes et de ce fait une impatience contenue pour choisir le défilé temporel qui vous fera sortir du cercle infini de l’antagonisme entre « routine parlementaire et gauchisme ». Les luttes ne se déploient efficacement que si elle sont ajustées à la temporalité effective, vécue des situations analysées elles mêmes avec justesse. « L’art du mot d’ordre est un art de la conjoncture ». Une insurrection suppose maturation, mais il ne faut pas laisser la situation pourrir, il faut donc avoir une conscience du « il est temps ». C’est pourquoi les figures du guetteur, et du seuil du temps de Walter Benjamin ne sont pas de simples formules littéraires. Le guetteur sait que le moment venu le temps doit être brisé dans l’événement : là réside le geste révolutionnaire.

C’est pourquoi, il convient de se tenir à l’écoute à la manière d’un psychanalyste attentif aux déplacements et cristallisations.

Encore un effort pour être révolutionnaire.

Les scientifiques seront-ils des supplétifs du pouvoir ou a contrario de la société désireuse de retour à des rapports sociaux humanisant et viables, permettant au vivant de retrouver une expansion ou au moins une stabilisation.

Séances proposées

1. Que peut la science pour transformer radicalement le monde et sauvegarder la planète ? Place des savoirs, de la vérité, des techniques, des temporalités, des échelles. Prendre la mesure de la difficulté de vouloir aujourd’hui être révolutionnaire. Trouver des points d’accroche qui seraient valables partout ?

2. Les alternatives socio-techniques peuvent-elles avoir des effets sociaux et politiques ? Comment ? Le refus de l’obsolescence industrielle, les moyens sobres en énergies, sobres en matériaux rares, une industrie satisfaisant en priorité les besoins essentiels (nourritures de bonne qualité,)… une meilleure redistribution pensée, une meilleure prévention médicale, une meilleure éducation, de nouvelles formes de transmission etc.

3. Les mœurs dépendent-t-elles des techniques ? Le numérique et nos modes de vie, les moteurs et nos modes de vie…. etc. De quoi peut-on se passer, où faire des économies ?

Penser l’acceptabilité commune de transformation des modes de vie. Enjeu du rapport perte civilisationnelle et gain en bilan carbone et en ressources naturelles. Place des individus par rapport au secteur industriel.

4. Quels sont les lieux qui permettraient de travailler à la production d’une véritable formation sociale (des groupes humains qui partageraient une même vision du monde)

Le rôle de la grève des achats techniques, des réseaux d’entraides? Le rôle des lieux de travail, des lieux de vie, des lieux culturels etc

5. Comment accélérer l’émerge de nouvelles propositions radicales de fonctionnement de nos institutions (gouvernement, économie, finance, justices, etc) et rendre le débat public plus dynamique et plus ouvert… Comment institutionaliser le changement lors d’un moment d’agitation ou de rupture ?

5. Quels sont les rythmes nécessaires compte tenu du temps compté, comment avoir une dimension internationale ou globale ?

6. Penser ce que serait pour nous, selon nous, un kaïros révolutionnaire.

8. Quels sont les obstacles ?

9. Quelles places aux évènements relevant de la rébellion, de l’insurrection et revêtant des formes de violence ? S’ils ne sont pas suffisants, sont-ils pour autant nécessaires ? Comment les contrôler/gérer afin de réduire les risques de perte de d’humanité / dignités ? Comment les préparer, se préparer et les soigner ?