Session plénière Archipel 2023 : scientifiques et engagement
Encore peu médiatisé il y a quelques années, l’engagement des scientifiques dans l’espace public devient aujourd’hui de plus en plus visible et suscite toujours plus de questions et de remises en question.
En quelques années, de nouveaux collectifs de scientifiques se sont constitués (les différents Atecopol, Labo 1.5, MSER, Scientifiques en rébellion…) qui revendiquent leur droit – et souvent leur devoir – à intervenir dans le débat public sur des sujets toujours plus variés. La puissance publique s’est saisie récemment de ce phénomène, soit en cherchant à contrôler la prise de paroles des chercheurs (comme à l’INRAE), soit en lançant des procès maccarthystes (en wokisme, militantisme…) dès lors que les savoirs devenaient trop critiques.
Cette évolution de l’engagement des scientifiques s’inscrit dans un contexte particulier. Les urgences climatiques et écologiques qui percutent nos sociétés occidentales révèlent désormais les différentes éthiques qui traversent la communauté scientifique. Si certains chercheurs assument clairement leur engagement au service d’un progrès techno-industriel porté par les puissances publiques et privées, d’autres n’hésitent pas à le critiquer au nom des crises sociales, écologiques, morales que ce projet de société a engendrées. Pourtant, la très grande majorité des scientifiques, préfèrent « ne pas », ne pas prendre part aux questions politiques, sociales ou éthiques au motif que les scientifiques se doivent d’être neutres, que la Science doit rester neutre pour pouvoir prétendre à une forme d’objectivité et par-là jouer pleinement son rôle social.
Toute science « militante » serait instantanément dénaturée, biaisée et ferait courir à la société le risque de l’irrationalité et de la « décivilisation »…
A l’engagement des scientifiques, une grande partie de la communauté scientifique (et politique) oppose donc le devoir de neutralité, de réserve, justifiant par là leur-non engagement et/ou reprochant à leurs collègues leur trop grande politisation. Bien que la question de la neutralité des sciences, la neutralité en sciences, ou celle des scientifiques… est de plus en plus posée, le mot même de neutralité reste un mot vague, creux, jamais défini et très souvent instrumentalisé. Mais de quoi la neutralité est-elle le nom ? Quelle ombre projette-t-elle sur la question de l’engagement des scientifiques aujourd’hui ?
Nous tenterons d’apporter quelques éléments/débuts de réponse à ces questions dans le cadre de la session plénière 2023 d’Archipel.
Nous chercherons à délimiter et clarifier cette notion de Neutralité en sciences, à la déconstruire si besoin, en la mettant en relation avec nos pratiques de scientifiques et avec le contexte politique et social dans lequel elle est mobilisée. Nous discuterons ensemble de ce qui pourrait constituer une éthique de la recherche dans un monde en crise et des différentes formes d’engagement des scientifiques. Face à la tentation du repli sur nos « libertés académiques », conçues en marge de la société, nous essaierons de réfléchir à une nouvelle forme de liberté, la liberté d’engagement.
Groupe de travail sur la neutralité de la science
- Coordinateurices : Jérôme Santolini jerome.santolini[at]cea.fr, Kevin Jean kevin.jean[at]lecnam.net, Aude Lapprand aude.lapprand[at]sciencescitoyennes.org
- Liste : gt-archipel-neutralite[at]inria.fr
- Abonnement : https://sympa.inria.fr/sympa/subscribe/gt-archipel-neutralite